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French Section ( 23 Dec 2020, NewAgeIslam.Com)

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Meeting With Sultan Shahin; Gods Of All Countries, Unite! Rencontre Avec Sultan Shahin; Dieux De Tous Les Pays, Unissez-Vous!


By Boris Engelson

23 Décembre 2020

Trois dieux dominent le monde, ces temps-ci… et tous trois ont un label de la même couleur: celui de la santé, bien sûr, vert par la croix des pharmacies; celui du climat, car les écolos ne parlent qu’en vert; celui de la religion la plus en question, dont le pavillon vert écume les âmes. Un homme – peu connu à Genève même s’il y vient deux fois par an – incarne à lui tout seul ces trois thèmes, pour en tirer ce qu’ils ont de bon, mais surtout pour lutter contre leurs diktats.

 

Sultan Shahin – fondateur du site newageislam.com – est un journaliste indien. On ne sait s’il faut appeler Sultan Shahin un «Gandhi musulman», un «Voltaire oriental» ou un «Roméo résistant».

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De deux maux, il faut combattre le troisième: c’est sans doute ce qu’a conclu Sultan Shahin, entre les questions de climat, de santé et d’islam. La dernière fois que j’ai vu Sultan, le virus ambiant l’a fait rentrer en hâte à Delhi, pourtant une des villes le plus polluées au monde (il vient à Genève pour le Conseil des droits de l’homme – à l’invite d’Interfaith, en général – mais la pandémie a écourté la session). Certes, le virus ne connaît pas de frontières, mais en Inde, la pandémie a du bon… sur un point du moins: si elle creuse l’écart entre les riches et les pauvres – «Un milliard de nos citoyens sont confinés dans des logements encore moins salubres qu’une place de marché» -, au moins, il ne fait pas de discrimination entre les religions!

Le lit de Procuste

«Bien sûr, comme journaliste musulman en Inde, mon premier objectif est de pousser ma communauté à jouer son rôle de citoyen du monde… mais je n’ai pas de compétences particulières en économie, en politique, en écologie… alors je me concentre sur la religion, où j’estime urgente une réforme des écoles, les fameuses «madrassah»: l’islam «naturel», «coloré», «vivant», de mon enfance a été éradiqué par un modèle unique, morne comme le désert, où plus rien ne vit… par le système clientéliste du wahhabisme saoudien». Mais si ce combat pour un islam méditatif plutôt qu’impérialiste est le grand œuvre de Sultan Shahin, on découvre de tout à la lecture de newageislam.com: il faut dire que Sultan parcourt chaque matin une trentaine de journaux en toutes langues indiennes (anglais compris, bien sûr). C’est ainsi qu’à son contact, j’ai appris tant de choses sur l’Asie du Sud et le Moyen-Orient (où un de ses frères travaille): ce sont souvent des anecdotes qui en disent le plus. Ce prêtre hindou qui soigne la Covid-19 en faisant boire de la pisse de vache… cet écrivain tamoul censuré qui a dit «Je n’écris plus… tenez-moi pour mort», mais qu’un juge à condamné à «revenir à la vie»… ou encore les frasques des ministres «intouchables» aux deux sens du terme, qui passent les rênes de l’Etat à leur femme illettrée quand ils vont en prison.

Un Radicalisme Qui Veut Tout Éradiquer

J’ai connu Sultan il y a plus de vingt ans au Palais des Nations, et il m’a tout de suite intrigué par son goût du paradoxe: «Gandhi n’était pas gandhien»… «les Hindous ne sont pas hindouistes»… mais ces formules mettaient le doigt sur des évidences cachées. «Comment peut-on dire que les Dalits – la masse pauvre de l’Inde – sont Hindous, quand ils n’ont pas le droit d’entrer dans les temples des hautes castes?»; et «si Gandhi était – par ses idées – un citoyen du monde, il restait – par ses réflexes – un homme de sa caste: face à la Partition de l’Inde, il fut contre en principe, mais pour en tactique» (sans partition, les musulmans seraient près de la moitié de la population de l’Inde). Reste à comprendre comment Sultan, lui, est devenu New Age Islam: musulman marié à une hindoue, tous deux marxistes du temps de leurs études, puis elle gardant des lois en hindi au ministère qu’elle sert… les deux ayant eu trois filles à deux ou six dimensions mentales… lui né d’un père instituteur religieux au Bihar où le héros du village était un homme qui avait vu de loin Gandhi lors d’une tournée en ville. Les hasards de la vie ont permis à Sultan d’aller lui aussi en ville, d’abord en fuguant pour vendre des bananes à Bombay ou du thé à Delhi, puis pour étudier à Patna, puis à Nehru; d’avoir un job dans la presse à Londres et même de vivre au Surinam. Assis entre deux chaises où qu’il aille, ayant tâté des «think tanks» laïcs ou musulmans, il se donna comme priorité la lutte contre le sectarisme venu d’Arabie saoudite le jour où il découvrit combien cet islam-là faisait violence à tous: «Pour eux, tout ce qui n’est pas sur leur ligne doit être balayé… à commencer par les musulmans qui mettent la démocratie avant la charia» (on a vu pareil un siècle plus tôt avec les communistes face aux socialistes).

 Comment Chagall Eût-Il Peint l’Inde?

«Sans le savoir, j’étais agnostique – ce qui ne veut pas dire sans spiritualité – dès l’enfance: je ne faisais mes prières du matin que par crainte de mon père, mais ça me coûtait, car je lisais tard le soir des romans policiers en secret. Alors un jour, j’ai eu le toupet de dire à mon père: «Je prierai Dieu quand je Le connaîtrai mieux. Je te jure d’étudier toutes les religions et je ferai mon choix», ajoutant à l’adresse de Dieu: «Si Tu existes, je serai ravi de Te rencontrer»!. Ce qui se fit: «Un jour, j’ai senti dans ma chair le lien entre le mental et le physique. J’avais une douleur chronique; une prière hassidique m’a donné une recette… et je suis devenu soufi, sorte de hassidisme musulman» (ou l’inverse). Au point que – même sachant que je suis pour ma part un mécréant – Sultan m’a promis de me dédier un autel soufi après ma mort, pour trouver ma place auprès des Indiens, faute d’être prophète dans mon pays.

Remonter Le Vent Même Sans Voile

De toute façon, «qu’importe le rite pourvu qu’il y ait l’esprit». Cela s’applique à tous les cultes, y compris celui de Gandhi. Soufi, Sultan s’est nourri tout autant des textes védiques que de la poésie ourdoue, mais si sa culture est orientale, son esprit est celui d’un penseur global tel qu’on le vénère en Occident. «Je n’ai pas grandi avec Bacon et Voltaire, mais si je devais aller en prison, je prendrais ce genre de livres avec moi». Hélas! nous Européens qui avons grandi avec Bacon et Voltaire, en avons-nous encore l’esprit? Sultan Shahin vient à Genève depuis des décennies, mais ni la Plate-forme interreligieuse, ni la Maison de la paix ne l’ont encore découvert: «Le monde universitaire et la société civile marchent en fait sur le même modèle que les sectes que je côtoie». C’est pourquoi, même sur le clivage entre hindous et musulmans en Inde, il est prudent: «Certes, l’équipe au pouvoir jette les musulmans en pâture à la vindicte des hindous, mais c’est aussi aux guides de l’islam indien à montrer qu’ils n’ont rien à voir avec la violence: l’hindou de la rue est un être spirituel qui aura une émotion en passant devant un lieu saint, quel que soit le dieu». Sultan aussi est ému au-delà des clivages de rite… face aux oubliés de la société: «Certains milieux, en Inde, parlent des soucis du petit peuple comme des questions de «cats & dogs», avec empathie, certes, mais de tels mots me choquent!». La vraie communauté de Sultan – au-delà de l’Est ou l’Ouest, de l’islam ou des hindous -, c’est celle des gens déchirés par des dilemmes moraux et qui mènent des combats à contre-courant.

Source: Tout L'Immobilier

URL:    https://www.newageislam.com/french-section/meeting-with-sultan-shahin-gods/d/123851


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